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22/05/2012

Morceaux choisis - Primo Levi 1b

Primo Levi

littérature; poésie; livres

Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non. 

Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas:
Gravez ces mots dans votre coeur.

Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
 

Primo Levi, Si c'est un homme (Pocket, 1998)

image: La mémoire est une faille dans le temps présent (lemotdelasemaine.com)

18/05/2012

Morceaux choisis - Andrée Chédid

Andrée Chedid

Andrée Chedid.jpg

L'air est libre
 
Les chemins sentent l'orange
Le soleil s'allonge en robes de safran
 
C'est la saison du rire et des herbes
 
O mon amour aux cent patiences
Ce soir tout est une première fois
 

Andrée Chedid, Textes pour la terre aimée (Cahiers GLM, 1954)

07:35 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/05/2012

Morceaux choisis - Anna Akhmatova

Anna Akhmatova

littérature; poésie; livres

S'éveiller tôt le matin
Parce que la joie étouffe,
Et regarder l'eau verte
Par le hublot de la cabine,
Ou sur le pont dans la tempête,
Blottie dans une douce fourrure,
Ecouter battre les machines,
Et ne penser à rien.

Mais attendre la rencontre
Avec celui que j'aime
Sous le sel des embruns, et sous le vent
Rajeunir d'heure en heure.
 

Anna Akhmatova, L'églantier fleurit et autres poèmes (La Dogana, 2010)

image: sosduneterrienneendetresse.centerblog.net

08:07 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/04/2012

Morceaux choisis - Ernest Pépin

Ernest Pépin

Guadeloupe FB.jpg

Un oiseau passe
éclair de plumes dans le courrier du crépuscule
 
Va vole et dis-leur
Dis-leur que tu viens d'un pays
formé dans une poignée de main
un pays simple comme bonjour
où les nuits chantent pour conjurer la peur des lendemains
dis-leur que nous sommes une bouchée
répartie sur sept îles comme les sept couleurs de la semaine
mais que jamais ne vient le dimanche de nous-mêmes
 
Va vole et dis-leur
Dis-leur que les marées
ouvrent la serrure de nos mémoires
que parfois le passé souffle pour attiser nos flammes
car un peuple qui oublie
ne connaît plus la couleur des jours
il va comme un aveugle
dans la nuit du présent
dis-leur que nous passons d'île en île
sur le pont du soleil
mais qu'il n'y aura jamais assez de lumière
pour éclairer nos morts
dis-leur que nos mots vont de créole en créole
sur les épaules de la mer
mais qu'il n'y aura jamais assez de sel
pour brûler notre langue 
 
Va vole et dis-leur
Dis-leur qu'à force d'aimer les hommes
nous avons appris à aimer l'arc-en-ciel
et surtout dis-leur
qu'il nous suffit d'avoir un pays à aimer
qu'il nous suffit d'avoir des contes à raconter
pour ne pas avoir peur de la nuit
qu'il nous suffit d'avoir un chant d'oiseau
pour ouvrir nos ailes d'hommes libres 
 
Va vole et dis-leur...

 

Ernest Pépin, Babil du songer (Ibis Rouge, 1997)  

image: Sainte Anne/Guadeloupe (http://alainfoix.com) 

19:50 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

16/04/2012

Morceaux choisis - Giacomo Leopardi

Giacomo Leopardi

Giacomo Leopardi.jpg

Ici, sur l’aride échine du terrible mont,
l’exterminateur Vésuve,
là où nul autre arbre ou fleur n’égaie,
tes touffes solitaires se répandent tout autour,
odorant genêt,
t’accommodant des déserts.
 
Autrefois, je vis tes tiges embellir
les régions sauvages qui ceignent la cité.
Là où la dame du temps mortel,
et de l’empire perdu
avec son aspect grave et taciturne
fait un signe et rappelle le voyageur.
 
Or, je te retrouve sur ce sol,
tristes lieux d’un monde aimant abandonné,
et des fortunes affligées toujours le compagnon.
Ces champs jonchés de cendres infécondes,
et couverts de lave pétrifiée
qui sous les pas du pèlerin résonne;
où se niche et se love au soleil la vipère
où le lièvre retrouve le terrier caverneux qu’il connaît;
heureuses furent les maisons et les campagnes,
et blondirent les épis,
et résonnèrent les meuglements des troupeaux;
furent jardins et palais,
aux loisirs des potentats agréables séjours;
et furent des cités célèbres
que les torrents de la fière montagne
depuis ses bouches ignées engloutirent
avec tous ses habitants.
Aujourd’hui, partout ce ne sont que des ruines
où tu vis, ô gracieuse fleur,
en ayant presque pitié des épreuves des autres,
au ciel tu répands une douce odeur de parfum,
qui console ce désert.
Qu’à ces plages vienne celui
qui a l’habitude d’exalter notre état,
et voit combien de notre genre prend soin
l’aimante nature.
Et sa puissance
il pourra la mesurer
en estimant la semence humaine,
que la sévère nourrice, peut imprévisiblement,
d’un léger mouvement détruire
en partie, et d’un seul geste
à peine plus léger soudainement
anéantir en totalité sur ces rivages
le monde des êtres humains
les magnifiques destins et progrès ...
 
Et toi, lent genêt dont les selves odorantes
décorent ces campagnes dépouillées
toi aussi dans un temps proche
tu succomberas au feu souterrain,
qui retournant sur ce lieu déjà connu,
déploiera son voile avide sur tes molles forêts.
Et tu plieras sous le faisceau mortel non retenu
ton innocente tête:
qui n’avait jamais pliée jusqu'alors vainement
pour une lâche prière devant un futur oppresseur;
mais non dressé avec un orgueil fou
vers les étoiles ni sur ce désert,
où tu es né cependant
non parce que tu l’as voulu, mais par chance; 
mais plus sage, et moins infirme que l’homme,  
tu n’as jamais cru 
aux faits et à l’immortalité de ta lignée.
 

Giacomo Leopardi, extrait du Chant 34 - Anthologie bilingue de la poésie italienne (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1994)

image: dominique.decobecq.perso.neuf.fr/LegenetdeLeopardi.html

08:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/04/2012

Morceaux choisis - Nirmalprabha Bordoloï

Nirmalprabha Bordoloï

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Si tu portes dans ton coeur un coin de forêt
Tu trouveras l'ombre où goûter le repos.
Si tu gardes dans ton coeur un peu de ciel bleu
Un couple d'oiseaux y prendra son essor.
 
 

Nirmalprabha Bordoloï, Voix de femmes - Anthologie / Poèmes et photographies du monde entier (Editions Turquoise, 2012)

06:53 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/04/2012

Morceaux choisis - Remo Fasani

Remo Fasani

Grisons.jpg

Se lever tout doucement avec l'aube,
grandir avec la matinée,
souffler durant l'après-midi,
se reposer quand vient le soir,
dormir en paix la nuit entière,
se réveiller au jour nouveau:
telles sont les vingt-quatre heures
de la brise de Sils Maria,
et son cycle sans fin.
 

Remo Fasani, Novénaires - postface de Philippe Jaccottet (Editions Conférence, 2011)

image: Sils Maria (Grisons)

31/03/2012

Morceaux choisis - Gabriele d'Annunzio

Gabriele d'Annunzio 

littérature; poésie; livres

Que douces te soient mes paroles dans le noir
Comme la pluie qui bruissait tiède et fugitive
Larmes d'adieu du printemps,
Sur les mûriers, les ormes et les vignes,
Sur les pins aux jeunes doigts roses
Qui jouent avec la brise qui se perd,
Et sur le blé qui n'est pas encore blond
Et n'est plus vert,
Et sur le foin qui a déjà subi la faux
Et change de couleur, et sur les oliviers, les oliviers nos frères
Qui rendent les versants pâles de sainteté
Et souriants...

Gabriele d'Annunzio, Soir de Fiesole Anthologie bilingue de la poésie italienne (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1994)

image: Fiesole

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18/03/2012

Actualité de la poésie

Bloc-Notes, 18 mars / Les Saules

Thierry Renard.jpg

Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, la poésie est intensément présente sur le réseau social de Facebook qui m'a ainsi permis de faire plus ample connaissance avec des grands noms de la littérature classique ou contemporaine - tels, pêle-mêle: Alphonse de Lamartine, Anne de Noailles, Abdellatif Laâbi ou Emily Dickinson - et davantage encore avec des auteurs que je n'aurais jamais lus sans la magie de cette toile lumineuse à ses heures et qui recèle de nombreux trésors de plume, pour peu qu'on éprouve le plaisir de les savoir partagés et multipliés à travers ces incomparables amitiés nouées autour de la poésie.

C'est ainsi que je me suis glissé entre les pages de ces jeunes talents - ou moins jeunes mais absents des grandes chaînes de librarie - avec les deux anthologies Le chant des larmes et Les cygnes de l'aube, sous la direction de Abbassia Naïmi, déjà présentés dans ces colonnes. Aujourd'hui, voici quelques récentes acquisitions susceptibles de vous intéresser, même si elles ne sont pas parues au cours de ces derniers mois!

Marie Hurtrel est artiste peintre dans l'Indre - voir ses oeuvres dans les liens de La scie rêveuse - mais se consacre également à l'écriture. On ne vit pas de son art, mais l'art est notre vie, chiche d'un côté et riche en l'autre, écrit-elle sur son site Internet: des mots qui éclairent sa démarche et son ouverture à tous les horizons. Lézards de poussière ressemble un peu au vol du cormoran qui survole les terres amères - celles qui attisent la violence, la révolte, l'injustice - mais aussi les territoires de l'intime, germe d'espoir, de douceur, de paix: Comment te dire ce que tu dis, comment te dire quel ciel je vois, comment écrire cette larme qui ne pleure pas, cette perle des yeux qui te chante?  

Avec Patrick Berta Forgas, né à Montreuil, vous ne rencontrez pas un nouveau venu en littérature. Auteur d'une dizaine de recueils poétiques, il signe avec La chambre des hommes des textes aux contours sombres: le vertige de l'enfer, la brûlure du silence, la mémoire des cassures, les hommes fragiles, les simulacres et les cris, l'ombre des guerres. C'est aussi le chant de la terre perdue, aimée, attendue: Je sais l'effort du vent pour soulager la mer. Je sais la douleur du souvenir rangée au chant amer. Ou encore: L'ombre est l'artère noire de la lumière et le corps du monde, un silence qui pleure ses cris.

Jean-Philippe Miginiac, pour sa part, est à la fois photographe, historien, archéologue, grand admirateur de Paul Eluard, passionné de musique classique et poète lui-même. Dans les liens de La scie rêveuse, vous pouvez aussi découvrir l'ensemble de ses oeuvres. Musiques imaginaires célèbre les amours, la terre, mais aussi la colère devant cette armée des ombres qui incarne pour lui ces fragments d'injustices: le visage des exilés, des étrangers, des mendiants, des rebelles au rythme de leurs infortunes. Si demain, ami, quelqu'un s'inquiète de mon absence, dis-lui que je suis parti dans la nuit chercher d'autres mots, sans attendre que sèche l'encre de mes poèmes, et sans que les dieux en soient informés, dis-lui que je suis parti me perdre où je voulais

Kadour Naïmi - frère de Abbasssia Naïmi - est l'auteur d’essais et de colloques autour du théâtre, réalisateur pour le cinéma et la télévision, poète, prosateur et dramaturge. Il écrit en langue italienne, dont Les mots d'amour, poèmes pleins d'ardeur et de tendresse, pénétrant tels les rayons matinaux du soleil, cet au-delà des sentiments épousant sa variété de couleurs: Si tu veux être mon soleil, je serai ta planète. Si tu veux être mon vent, je serai ta bannière. Si tu veux être mon oasis, je serai ton eau. D'autres pages évoquent l'exil, avec amertume, mais sans haine: Pour ne pas périr, j'ai besoin d'aimer.

Pour les deux derniers auteurs, leur lueur discrète est déjà connue de ceux que la passion de la poésie habite. Véritable passeur en littérature, producteur d'émissions radiophoniques, Thierry Renard a publié à ce jour une trentaine d'ouvrages, parmi lesquels Il neige sur ta face. Toute la vie y remue dans cette poésie du quotidien, où se confondent les rêves, les réminiscences du football, les doutes de l'écrivain, les misères du monde, et la neige - en filigrane tout au long de ce recueil - et l'amour aux formes d'un coeur de lierre. Le mal est fait, le moindre mal. Ecrire est un verbe qui m'est avec le temps devenu familier. Ecrire est un verbe dont j'interroge encore le sens et qui donne du sens à ma vie. La roue tourne, la chance aussi. Avant j'étais zéro, aujourd'hui je ne vole pas bien haut. Demain j'irai sans ma vie lasse, petite cendre dans le vent.

Quant à Jean-Pierre Siméon, on lui doit une quarantaine de livres: recueils de poèmes, essais littéraires, pièces de théâtre et ouvrages destinés aux jeunes. Traité des sentiments contraires explore l'ombre et la lumière, la douleur et l'apaisement, la blessure et la joie: Silence maintenant, immobile et obstiné silence, c'est l'instant timide en vous, l'instant effarouché, où vient tout le ciel immense trouver son appui. On appellerait bien cela un bonheur sans usure, une phrase dans l'air parfaite comme la neige.

Dans la catégorie Morceaux choisis de ce jour, vous trouverez un extrait de ce livre.

Un poème, c'est quoi au juste? C'est presque rien, un silence, une idée, un amour, un élan, une fuite, quelques gouttes d'encre sur la page blanche. (Thierry Renard)

Thierry Renard, Il neige sur ta face (Le bruit des autres, 2001)

Marie Hurtrel, Lézards de poussière (Lire et Méditer, 2011)

Patrick Berta Forgas, La chambre des hommes (L'Harmattan, 2009)

Jean-Philippe Miginiac, Musiques imaginaires (TheBookEdition/J.P.Miginiac, 2010)

Kadour Naïmi, Mots d'amour (Lire et Méditer, 2011)

Jean-Pierre Siméon, Traité des sentiments contraires (Cheyne, 2011)

image: Thierry Renard (Maxime Roccisano, 2009)

22:39 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/03/2012

Morceaux choisis - Silvina Ocampo

Silvina Ocampo

ocampo1 copie.jpg

Je veux d'autres ombres d'or,
d'autres palmiers, d'autres vols d'oiseaux étrangers,
je veux des rues distinctes, dans la neige,
une boue différente lorsqu'il pleut;
je veux l'ardente odeur d'autres bois;
je veux un feu aux flammes singulières,
d'autres chansons, d'autres aspérités,
qui ne sauraient rien de mes tristesses.

Silvina Ocampo, Poèmes d'amour désespérés (Editions José Corti, Avril 2010)

traduction de l'espagnol : Silvia Baron Supervielle

11:39 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |